C'est une tradition bien française, peut-être née au temps où l'essentiel de l'économie nationale se confinait dans le secteur primaire : les entrepreneurs se plaignent, pleurent, gémissent. Ce sont les "on ne gagne plus sa vie", "on a trop de frais", et même "ça a eut payé"(!)... En gros, tout se résume dans le sempiternel "on a trop de charges", avec une insistance particulière sur les frais de personnel, la masse salariale jugée écrasante. On voudrait une entreprise économique, au sens de "qui ne coûte pas cher". C'est un peu irritant, à la longue, et c'est surtout une altération de ce qui fait, ou non, la rentabilité de l'exploitation. Il semble donc utile de rappeler brièvement quelques notions élémentaires d'économie d'entreprise.
La rentabilité se mesure au rapport du résultat au capital investi ou au coût des moyens de production, au total des charges. Ce qui doit donc retenir l'attention, ce qui doit être la préoccupation du chef d'entreprise, c'est évidemment le résultat.
Comme chacun le sait, ce dernier est la différence entre le total des produits (des ventes, du chiffre d'affaires, des produits accessoires et financiers) et la somme des charges. Pour l'augmenter, on peut donc jouer sur deux facteurs. Vouloir, à toute force, réduire les frais n'est naturellement pas une démarche pernicieuse par nature, mais elle ne saurait être exclusive. La gestion par les coûts est une méthode d'administration qui ne peut être ignorée, mais il arrive toujours un moment où on atteint un minimum, et vouloir aller au delà, en dessous, peut entraîner la sous-production, voire l'asphyxie. Et puis c'est un comportement un peu passif. Il est sans doute plus efficace, plus productif, de chercher à majorer les produits. Pour faire vite, on n'évoquera ici que le chiffre d'affaires.
Restons-en aux truismes : le chiffre d'affaires est le produit des quantités vendues par le prix de vente unitaire. On peut donc, ici encore, considérer deux paramètres et privilégier la gestion par les marges.
Accroître les quantités vendues demande un certain dynamisme commercial : il faut faire connaître le produit (la publicité est faite pour ça) et surtout prospecter la clientèle potentielle, aller vers elle, la séduire. Celui qui attend benoîtement, derrière son comptoir, qu'on vienne le supplier de bien vouloir vendre un article -ou un service- risque de voir s'étioler ses recettes et augmenter son taux de cholestérol. Il faut être actif, entreprenant, vivant.
Le problème du prix de vente est plus épineux dans la mesure où l'on n'est que rarement seul sur le marché et que la concurrence existe, souvent vive. On est donc contraint de s'aligner sur ce qui se fait alentour, encore que l'on puisse un peu majorer le prix en améliorant la qualité. Ici encore, il faut de la rigueur et des compétences.
Il en va autrement quand la concurrence n'existe pas, quand on est le seul à fabriquer et à commercialiser tel ou tel produit. Impossible ? Bien sûr que non : on peut imaginer, inventer, innover, créer, ce qui ne se fait pas tout seul. Encore une fois, il ne faut pas rester passif, contemplatif. Il faut s'interroger sur ce qui manque à la société, ce qui peut être utile, séduisant ou même, tout simplement amusant. Il faut penser, réfléchir, faire fonctionner ses neurones.
Il faut aussi savoir définir et orienter ses ambitions. On notera qu'ont été proposées des méthodes de gestion dites "proactives", dont la technique des "coûts-cibles" (target costing pour ceux qui croient intelligent d'utiliser l'anglais quand les mots existent en français).
Il est donc admirable de passer son temps à geindre, mais il est plus honorable et plus sympathique d'être constructif, volontaire et dynamique, sans attendre que l'Etat vienne au secours de nos affaires en réduisant les impôts et les charges sociales.
François Ribard.
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